Fritz Bigler a marqué l’aviation légère suisse aussi bien au niveau professionnel que par sa passion. Se déplacer dans les airs a toujours été pour lui l’une des ultimes sensations. Mettant la découverte de la nature au premier plan, il ne s’agissait pas pour lui principalement de la technique de vol ou de la liberté qu’accorde la troisième dimension. En tant que fils de paysan, il a entretenu des relations étroites avec la nature et nous a toujours révélé sa beauté à nous les élèves-pilotes, tout en mettant l’accent sur notre responsabilité à son égard.
Déjà durant l’école secondaire qu’il a suivie à Köniz, Fritz a commencé à construire des planeurs et plus tard également des modèles de planeurs, puis d’avions à moteur. Il a rejoint le Groupe d’aéromodélisme de Berne. Bientôt, il devint son trésorier puis président pendant trois ans. En 1952, il commença la formation de pilote de planeur, réussissant l’examen officiel deux ans plus tard. En 1956 déjà, il devint instructeur de vol à voile, pour acquérir peu de temps après l’extension pour la voltige et le vol sans visibilité. La même année, il commença également la formation au vol à moteur et acquit la même année la licence idoine, suivie de l’autorisation de remorquage pour planeurs. De 1958 à 1960, il fut président du Groupe de vol à voile de Berne.
Après avoir travaillé pendant quelques années dans sa profession de dessinateur de machines, Fritz décida de faire de son loisir un métier. Il posa sa candidature en 1959 à l’Office de l’air d’alors, l’actuel Office fédéral de l’aviation civile (OFAC). Il n’a jamais interprété son nouveau domaine d’activité, «le trafic aérien non motorisé» comme la transposition de quelconques articles de loi. Son souci a toujours été la sécurité de l’aviation, où toutes les disciplines de vol devraient pouvoir y trouver leur compte. Il était donc naturel pour lui d’apprendre les particularités du parachutisme et de l’aérostation. En 1961, il suivit une formation de parachutiste au Centre national de parachutisme à Biscarrosse (France). Il reçut la licence de pilote de ballon à gaz en 1968 dans le cadre d’une formation auprès du Groupe d’aérostation de Berne, se convertissant en complément aux ballons à air chaud en 1976. Fritz développa un penchant particulier pour l’aérostation et il n’est donc pas étonnant qu’il ait remporté le Championnat suisse de ballons à air chaud en 1981.
Fritz Bigler a toujours été très ouvert aux nouvelles choses. Lors de l’avènement des premiers planeurs de pente en 1974, il a immédiatement acquis l’une des premières licences de pilote et gagné une riche expérience au travers de centaines de vols en aile delta. La transmission de ses connaissances lui était importante. C’est ainsi qu’il a rédigé avec le concours de Hans Bachofen un outil pédagogique de saut en parachute (Office de l’air 1976, 2e édition 1983). La publication: Fritz Bigler, «Das Segelflugzeug» (OFAC, 1983) sert de référence aujourd’hui encore. Il a toujours refusé la témérité en tant qu’instructeur de vol et d’aérostation. Il était important pour lui que ses élèves connaissent bien leurs frontières et puissent également diriger une équipe. Bien qu’il ait commandé une brigade d’artillerie en tant que major à l’armée, il n’a jamais donné d’ordres au civil, mais transmis des instructions claires sur lesquelles l’équipe pourrait bien s’orienter.
Pour ses mérites, l’Aéro-Club de Suisse, l’Aéro-Club de Berne et le Groupe d’aérostation de Berne lui ont décerné le titre de membre honoraire et l’Aéro-Club de Berne l’a désigné Aviateur de l’année 2010.
En plus de ses activités de vol, Fritz était un pêcheur passionné, se consacrant également à la protection des chauves-souris. Depuis 1992, il a été collaborateur du centre d’information de Berne sur la protection des chauves-souris. Il a passé de nombreuses soirées à les observer et à les compter.
Fritz Bigler a toujours été très correct à la fois dans son apparence soignée et ses relations collégiales et conviviales. C’était toujours un pur plaisir et aussi excitant de l’écouter raconter l’une de ses nombreuses expériences, toujours capable d’en rire de bon cœur.
Avec le départ de Fritz Bigler, l’aviation suisse a perdu un promoteur, un pionnier, un formidable modèle et un collègue apprécié.
Léon André